mercredi 28 septembre 2011

Les petits caporaux


Comme chaque année, j'ai décidé de travailler la cohésion du groupe dans une ambiance militaire au 92ème régiment d'infanterie. Mais, pour changer un peu, et pour nous rappeler que les biffins ne sont pas que des bourrins, nous avons organisé avec l'état major un séminaire "Stratégie et rugby". Les mecs qui s'attendaient à porter des troncs, crever de froid sous la tente et courir 15 bornes en "rangers" à La Font de l'Arbre en ont eu pour leur frais...


On s'est tous installés dans la salle de conférence du régiment et on a écouté un officier nous parler des différents styles de jeu des équipes rapportés aux grands stratèges militaires.
Ainsi, les SudAf peuvent être comparés à l'armée américaine : un rouleau compresseur qui écrase tout sur son passage, avec une réserve stratégique de joueurs inépuisable mais qu'une armée mobile et accrocheuse peut faire déjouer.
Les Wallabies, c'est plutôt l'armée allemande de Molkte : mouvement permanent, manœuvre, incursions rapides chez l'ennemi pour briser le front. Contre eux, la guerre des tranchées ou la guerilla peut fonctionner.
Les Blacks, c'est l'armée allemande de Guderian et Rommel : des blindés puissants mais rapides, bien épaulés par l'aviation (le jeu au pied de Dan Carter), qui défendent bien et qui font des brèches avant de prendre l'ennemi à revers. Là, les militaires nous ont dit qu'il n'y avait pas beaucoup de parade si c'était bien exécuté : notre seule chance, c'était l'excès de confiance de l'adversaire...

Les Anglais et les Argentins, c'est la guerre des tranchées : une préparation d'artillerie infernale, du rugby basique et frontal, et peu importe la manière... Dans ces cas là, soit on les prend de vitesse, soit on est obligé de s'y filer pendant 80 minutes...
Les Irlandais, c'est la guerre asymétrique, la "petite guerre" : des accrochages, un combat d'usure, des mains qui traînent dans les regroupements, de la défense désespérée à un contre dix, mais aussi une force de frappe légère mais rapide et agile, capable de coups d'éclats dans la ligne de trois quarts.
Ca a duré comme ça pendant une demi heure, avec un débat entre les promoteurs de l'attaque à tout va contre les tenants de la défensive. Bref, on se serait cru au Moscato Show des agrégés du rugby. Les gros avaient l'impression d'être intelligents, les trois quarts se prenaient pour des maréchaux d'empire, et moi, je me prenais pour Jacques Fouroux.
Mais, à un moment, n'y tenant plus, j'ai demandé :
- Et le rugby français dans tout ça ?
J'ai vu que les militaires étaient un peu gênés. Finalement, après un court silence, le plus gradé a pris la parole :
- Et bien, le rugby français, c'est un peu comme la Marine.
Là, la Skrèle, qui avait pris des notes et fait des schémas savants, s'est levé tout excité :
- Ah oui, on a fait un TP avec Guy Novès sur ce sujet : guerre de course contre guerre d'escadre, maîtrise intégrale du ballon contre contrôle des temps faibles et des temps forts, Mahan contre Corbett, Villepreux contre Berbizier, défaite tactique mais victoire stratégique...
Le militaire avait l'air encore plus gêné :
- Euh non, je parlais plutôt de la Marine française. Celle qui est capable des plus grandes victoires et qui se saborde dans la foulée ou qui se prend une branlée contre les Anglais...
Je crois que j'aurais préféré qu'il me réponde :
- Tu m'emmerdes avec ta question...

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