lundi 30 janvier 2012

Mise en abyme

Ce matin, Jean-Marc a passé sa tête dans l’entrebâillement de la porte de mon bureau. Comme les joueurs sont en vacances, et que je m'ennuyais un peu, je regardais des vidéos de Sivivatu sur YouTube : ça me fait le même effet que lorsque je vais au Musée du Louvre ou lorsque je lis un poème de Rimbaud... Je ne sais pas pourquoi, mais je me sens mieux, meilleur... Ce doit être ça, la puissance de l'artiste, le sentiment de l'art...
Bref, j'ai fermé la fenêtre, cliqué sur le MIDOL du jour pour faire plus "pro" et j'ai invité Jean-Marc à s'asseoir.
- Ça va ? a-t-il commencé, avec un air rempli d'interrogative commisération.
J'ai dû prendre une mine encore plus renfrognée que d'habitude. Il faut dire que je me demandais vraiment ce qu'il allait encore inventer... Il a aussitôt enchaîné, mi-gêné mi-rassuré :
- Non parce que tu vois, René, Jean-Pierre et moi, on lit ton blog...
- Mon blog !?
- Ben oui, le Blog de Vern...
- Non mais attends, Jean-Marc, ce n'est pas "mon" blog !
- Oui, bien sûr... De la même manière que ce n'est pas vraiment "son" club, à Mourad Boudjellal...
- Non mais même, ce n'est pas moi qui écrit ce... ce... ce truc !
- Ben non, bien sûr, c'est Vern Dublogue : Vern Cotter, mais avec un nez rouge...
Et il me fit un clin d’œil...
Je commençais à être aussi exaspéré qu'après l'aller-retour express "banc des remplaçants - terrain" de Lionel Faure samedi soir... De la même manière que je déteste que l'on sabote bêtement un plan qui se déroule sans accroc, je déteste quand on me dérange pour des balivernes alors que je contemple Sivivatu... Une action de Sivivatu qui ne va pas au bout, c'est un peu comme une promesse d'amour déçue, comme une sodomie arbitrale sans le Racing ou le RCT, comme un orgasme interrompu. Jean-Marc n'en perdit pas pour autant de sa contenance :
- Donc, dans le blog qu'écrit Vern Dublogue (il me gratifia d'un regard appuyé, marqua une pause, puis reprit), dans "ce" blog, et tu noteras que je ne dis pas "dans ton blog", on a remarqué que c'était moins la déconnade qu'avant... Moins de délires inspirés par la culture underground, moins de photos truquées à l'arrache sur Paint, moins de références à Chuck Norris ou à la zoothropie présumée de Julien Bardy... Donc on s'inquiète un peu : on se demande si tu ne nous fais pas la petite déprime de la cinquantaine, bref, je viens te voir pour vérifier que tout va bien.
Silence.
J'étais médusé.
J'ai hésité quelques instants.
Soit j'appuyais sur le bouton rouge de mon téléphone, et, quelques secondes plus tard, Jamie et Gerhard apparaissaient et viraient le gêneur à leur manière. C'est la méthode que j'utilise pour les conférences de presse : on évite les pertes de temps et les questions inutiles du genre : "alors content d'avoir gagné ?" ou "est-ce que le doublé est possible ?"
Mon doigt a tremblé, le temps d'une prise d'intervalle de Brent Russel, au dessus du clavier.
Mais je me suis ravisé. Je me suis dit qu'à cinquante ans, il était temps d'agir en homme raisonnable...
- Il y a une part de vrai dans ce que tu dis. Tu sais, ce n'est pas évident pour moi en ce moment. Depuis que j'ai échoué à faire assassiner Steve Hansen, la vie me semble bien monotone... Douze victoires, dont cinq à l'extérieur, invaincu à domicile... On gagne autant quand les internationaux sont là que lorsqu'ils ne sont pas là... L'ambiance de l'équipe est exceptionnelle : quand tu vois l'état d'esprit d'un Cabello, d'un Audebert ou d'un Sivivatu, c'est à se demander si ces mecs ne sont pas drogués aux vapeurs de caoutchouc...
Jean-Marc esquissa un sourire.
- J'avais dit pas de visite de l'Aventure Michelin...
- Non non ! Ce doit être l'air de la montagne...
- Bon, bref, imagine que tu aies à rédiger un billet humoristicomique avec ça ! Une fois que tu t'es foutu de la gueule de Malzieu et de ses poulets et que tu as sorti deux vannes capillaires sur Roro, tu peux y aller pour trouver un fil directeur... Ce matin, j'ai lu l'interview de Saint Julien Bonnaire dans le MIDOL : j'en avais les larmes aux yeux tellement c'est beau et pur. Avec des mecs comme ça, tu peux partir en vacances au Mali... Tu vois, il y a des jours où je rêve d'être le coach de Bayonne... Voila un vrai challenge : des stars et des paillettes, un projet sportif en berne, du sang et des larmes chaque week end, des cartons rouges, des joueurs agressés par des spectateurs, des jeux de pouvoir dignes de l'Union soviétique des années 20... Et pense à ce que pourrait être le Blog de Vern version Moko de la Rade... Pour te donner une idée, ce serait comme si les scénaristes de "Plus Belle La Vie", sous "hallu", rencontraient les fils naturels des Monty Python et de Kim Jong Il... Alors oui, Jean-Marc, en toute franchise, je trime un peu pour trouver de quoi alimenter la chaudière à déconne : jamais un caprice de star, un président décoré de la légion d'honneur maire d'Eygalières, un directeur sportif toujours dans la mesure, des joueurs exemplaires à la ville comme sur le terrain, un centre de formation qui tourne à plein régime, une courbe des résultats dont la forme rappelle l'électroencéphalogramme d'un bulot. Heureusement que, de temps en temps, M. Berdos arbitre nos matches... En fait, Jean-Marc, tu sais ce dont le club a besoin ?
- Heu, un troisième ligne centre perforant ?
- Non, Jean-Marc, ce qu'il nous faudrait, c'est une bonne crise...

2 commentaires:

  1. T'inquiète pas Vern, quand le club aura perdu deux finales en trois semaines au mois de mai, dont au moins une contre Maître Guy, tu auras de quoi trouver de l'inspiration.

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  2. Tu as raison, Maître Guy devrait être dans un état de tristitude avancé à cette date...

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