mercredi 19 septembre 2012

Romain, as-tu du coeur ?

J'ai reçu hier un message de l'arbitre international Romain Poite. Il me paraissait nécessaire de vous faire partager ce moment de doute dans la vie d'un grand artiste. Nous sommes bien peu de choses...

Mon cher Vern,

Je t'écris cette lettre car je pense que tu seras en mesure de comprendre ma douleur profonde et mon désarroi secret. Il y a peu, j'étais arbitre de touche pour le match Nouvelle Zélande - Afrique du Sud. Un job sans risque, bien payé, au Pays du Long Nuage Blanc, pour une rencontre à l'issue certaine. J'étais loin de m'imaginer que cet épisode serait l'un des drames les plus absolus de ma carrière d'arbitre et de ma vie d'homme.
Pour bien comprendre l'enchaînement infernal qui m'a conduit à l'une des plus grandes forfaitures d'une existence pourtant inévitablement entachée de nombreuses sodomies arbitrales, revoyons la scène au ralenti :
Oui, je sais que vous êtes nombreux à avoir apprécié ce petit moment de bliss, celui où la vengeance divine se mêle à la vindicte populaire, cet instant de triomphe de la justice immanente, incarné par ce numéro 17 dont le nom m'échappe déjà, qui inflige le châtiment trop longtemps ajourné. A votre place, j'aurais eu, aussi, ce plaisir malsain.
Mais j'étais devenu en quelques secondes le héros involontaire d'un dilemme cornélien, d'une aporie intime, d'une double contrainte (une sorte de placage à deux psychologique), en bref, d'un conflit d'intérêt : Richie McCaw, comme à son habitude, campait sur le côté du ruck. Il faisait griller des saucisses au barbecue, ou bien il prenait le soleil en pensant à autre chose, ou encore, il lisait le dernier article de la Boucherie Ovalie, à moins qu'il ne fut en train de participer à l'action de jeu alors qu'il était à terre. Comme à son habitude, en toute impunité. C'est alors que le doigt de Dieu, ou plutôt, l'avant bras de Dieu, a foudroyé de sa puissance céleste le meilleur tricheur du monde, sans que l'arbitre central n'y trouve quoi que ce soit à redire. Oh ! Que d'images se sont précipitées dans mon esprit à cet instant. J'ai revu en accéléré et en noir et blanc toutes les phases au sol de la finale de la dernière coupe du monde. Mon sang de Français n'a fait qu'un tour. Au plus profond de moi, née de je ne sais quel instinct patriote et chauvin, une voie forte aux mâles accents s'est élevée et a crié : "VENGEANCE !"  Je tenais en effet entre mes mains la revanche d'un peuple meurtri.
J'aiété faible. Oui, je te l'avoue, Vern, j'ai été faible. Je ne suis pas de la race des De Gaulle, des  Aung San Suu Kyi, des Mandela ou des Charlie Hebdo. Derrière moi, le public grondait et réclamait sa punition. Je n'étais pas de taille. J'ai appuyé sur le bouton. Number seventeen. Hit in the face. Yellow card. C'était fini.
Ô destinée contraire, ô décision fatale, ô gloire inaccessible ! Je ne serai jamais héros.
Il fallait que je partage cela avec quelqu'un. C'est toi que j'ai choisi, Vern, toi, le sphinx de la rectitude, toi, le fakir de la souffrance muette, toi, qui a préféré l'exil pour accomplir ton destin tordu. J'espère que tu me comprendras.
Bien à toi.
Romain Poite

3 commentaires:

  1. Greyling NE PEUT PAS avoir mis un coup de coude à McCaw pour la simple et bonne raison que McCaw n'était pas là. Si McCaw avait été là où se trouvait l'avant-bras de Greyling, il aurait été pénalisé par l'arbitre et donc ça en aurait été fini. L'arbitre n'a pas vu McCaw à cet endroit, donc McCaw ne s'y trouvait pas, donc Greyling ne l'a pas frappé. Comment M. Poite a-t'il pu signaler une faute inexistante ?

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  2. c'est dans la grandeur qu'on reconnait les héros.
    bravo mr poite car c’était votre DEVOIR

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